Marchés publics : l’entreprise peut actionner les autres participants devant le juge administratif

Si les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans l’hypothèse ou celle-ci justifie, soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat, soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique, la question de la recevabilité des demandes dirigées contre les autres participants aux opérations de construction devant le juge administratif s’est posée à plusieurs reprises.

Schématiquement, la question était de savoir si l’entreprise qui recherche la responsabilité du maître d’ouvrage peut également, dans le cadre de la même instance portée devant le juge administratif, rechercher la responsabilité des autres entreprises malgré l’absence de lien contractuel entre lesdites entreprises.

Les réponses données à cette question par les juges du fond étaient jusqu’alors contradictoires.

Certaines juridictions admettaient de telles demandes, tandis que d’autres avaient effet décidé de renvoyer les intervenants à mieux se pourvoir devant le juge judiciaire pour les demandes étrangères à celles formulées contre le maître d’ouvrage.

Le Conseil d’Etat vient de trancher dans le sens de la simplicité et admet désormais la recevabilité des demandes formées devant le juge administratif contre les différents participants à une même opération de construction :

« 2. Considérant que, dans le cadre d’un contentieux tendant au règlement d’un marché relatif à des travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher, outre la responsabilité contractuelle du maître d’ouvrage, la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n’est lié par aucun contrat de droit privé ;

3. Considérant que, pour rejeter comme irrecevables les conclusions indemnitaires que, en plus de leur demande, dirigée contre la maître d’ouvrage et tendant, sur le terrain contractuel, au règlement du marché, les sociétés Eurovia Champagne-Ardenne et SCREG Est ont présentées en première instance contre le maître d’oeuvre et le titulaire de la mission  » ordonnancement – pilotage – coordination « , la cour administrative d’appel de Nancy a relevé que si, dans le cadre d’un contentieux tendant au règlement d’un marché relatif à des travaux publics, le titulaire du marché peut appeler en garantie des tiers au contrat, il n’est pas recevable à demander à titre principal la condamnation de tiers, sur le terrain quasi-délictuel, à réparer les préjudices qu’ils lui ont causés, sans tenir compte du fait que ces tiers participaient à la même opération de travaux ; qu’il résulte de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus qu’elle a ainsi, en jugeant que les différentes conclusions des sociétés Eurovia Champagne-Ardenne et SCREG Est n’entretenaient pas entre elles un lien suffisant, commis une erreur de droit et une erreur de qualification juridique ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé en tant qu’il rejette comme irrecevables les conclusions indemnitaires dirigées par le groupement des entrepreneurs contre les sociétés Barbosa Vivier Architectes et Artelia Bâtiment et Industrie ; » (Conseil d’État, 7ème / 2ème SSR, 05/06/2013, 352917)

Jérôme MAUDET

Avocat spécialiste en droit public